Aujourd’hui, La Grèce Autrement vous emmène à la découverte d’une ville que vous connaissez peut-être déjà : Nauplie. Fidèles à notre philosophie, nous souhaitons vous faire découvrir ou redécouvrir cette grande ville d’Argolide (Nord-Est du Péloponnèse) à la lumière des événements historiques qui l’ont façonnée. On ne peut en effet découvrir Nauplie sans s’attarder sur le rôle fondamental qu’elle a joué lors de la Révolution Grecque de 1821, qui en fit la première capitale du jeune état Grec indépendant !
Après avoir passé le canal de Corinthe et pénétré dans le Péloponnèse, vos pas vous conduirons au travers de montagnes couvertes d’oliviers jusqu’à la grande plaine d’Argos couverte d’orangers et mandariniers. La plaine entoure environ les deux tiers de la partie la plus profonde du golfe de Nauplie qui s’ouvre sur la mer Egée. Lovée dans une anse de la côte Nord-Est du golfe, la ville, dominée par deux citadelles, tourne littéralement le dos à la mer et est totalement orientée vers le Nord. Les fondateurs de la ville ont en effet considéré que les morsures des vents violents du Nord étaient moins dangereuses que les pirates de la mer Egée.
La ville est installée dans un lieu géographiquement stratégique et compte pas moins de trois citadelles défensives. La ville est ainsi bordée au Sud par une presqu’île escarpée dominée par la citadelle d’Acronauplie construite par les Romains, puis les Byzantins, et modernisée par la suite par les Francs et les Vénitiens. Cette haute presqu’île sépare la ville de l’ouverture du golfe vers la pleine mer. Dominant la citadelle d’Acronauplie de plus de 100 mètres, la deuxième citadelle de la ville, Palamidi, fut construite en moins de 3 ans de 1711 à 1714 par les Vénitiens et constitue un véritable nid d’aigle pour la région. Aux pieds de ces deux citadelles s’étend la ville ancienne de Nauplie, véritable bijou d’architecture bordée par un port protégé de la pleine mer. Au large du port, on trouve la troisième citadelle de la ville : le Bourtzis. Il s’agit d’un fort-prison construit par les Vénitiens en 1473 sur un îlot à quelques encablures de la ville, véritable gardien de l’entrée du port.
L’architecture de la ville est remarquable. Elle mélange l’architecture Ottomane héritée de 250 ans de domination Turque (en deux phases : de 1540 à 1686, puis de 1715 à 1822), des constructions Vénitiennes (la ville fut placée sous le pouvoir de la cité des doges deux fois, de 1389 à 1540 puis de 1686 à 1715) et enfin de nombreux bâtiments néoclassiques (libérée dès 1822 c’est ici que les architectes du jeune état Grec lancèrent ce nouveau style voulant faire revivre les canons architecturaux de l’antiquité).
Aujourd’hui encore se promener dans Nauplie nécessite d’avoir en permanence à l’esprit en toile de fond les événements et conséquence de la guerre d’indépendance Grecque. Un peu d’histoire :
Dès Mars 1821, Nauplie joue un rôle fondamental dans la guerre du fait des garnisons Turques stationnées dans les citadelles de la cité et du nombre important d’habitants. Les deux leaders révolutionnaires, Staikopoulos et Tsokri, appuyés par la flotte révolutionnaire de l’île voisine de Spetses, la fameuse Bouboulina, lancent plusieurs attaques que les Ottomans repoussent jusqu’en Novembre 1822. Le 29 Novembre de la même année, la chute de la citadelle de Palamidi signe la libération de la ville qui se rend au héros de la guerre d’indépendance, Théodoros Kolokotronis, le 3 Décembre 1822. En 1825, en pleine Révolution, le premier corps législatif Grec s’installe à Nauplie et commence à bâtir les fondations d’un nouvel Etat indépendant tout en organisant les combats contre les Ottomans mais aussi en essayant de régler les dissonances entre factions Grecques des îles ou du Péloponnèse. Le 8 Janvier 1828, le premier Gouverneur de la Grèce, Ioannis Kapodistrias, s’installe à Nauplie et déclare la cité capitale du pays. Elle le restera jusqu’en 1834.
Il faut alors imaginer les conséquences importantes pour l’urbanisme de la ville qui passe en un jour du statut de grande ville de province à capitale d’un nouvel État indépendant sortant de 400 ans de domination Ottomane et de plus de 8 ans de guerre d’indépendance. Nauplie doit ainsi très rapidement accueillir tous les organes étatiques que Kapodistrias veut créer pour jeter les bases d’un état démocratique puissant sur le modèle occidental. Ainsi, la plus grande mosquée Ottomane est transformée en chambre des députés, une autre mosquée devient un collège, le sérail devient le siège de la cour de comptes, et on décide rapidement de construire de nouveaux bâtiments publics en style néoclassique : lycée, bibliothèque, hôpital, palais du gouverneur, etc. Un nouveau quartier sort de terre entre les remparts de la vieille ville et le port. La population atteint rapidement plus de 30 000 personnes, ce qui fait de Nauplie la plus grande ville du pays. Kapodistrias n’aura pas l’occasion de voir l’entier développement de la ville car il est assassiné en Septembre 1831 devant l’église de Saint Spiridon par deux frères Grecs de la région du Magne, démontrant par là-même que les querelles intestines dans le camp des vainqueurs ne sont pas prêtes de s’éteindre.
C’est encore à Nauplie que le nouveau roi de Grèce, Othon de Bavière, désigné par les trois pays ayant soutenu la révolution (France, Royaume-Uni, Russie) débarque et s’installe dans son nouveau palais en Janvier 1833. En réalité, le palais ressemble plus à une grande maison bourgeoise de province, sans jardin ni aucun des attributs du décorum royal d’Europe du Nord. Pour Othon et sa suite bavaroise, le contraste avec les ors de la cour de Munich est saisissant. On dit d’ailleurs que c’est une des raisons pour lesquelles le roi décida de déménager la capitale vers Athènes moins de deux ans plus tard, fin 1834. Il chargera alors rapidement ses architectes de créer une nouvelle ville et bien entendu un palais à la mesure de ce qu’il pensait devoir être la capitale d’un état indépendant. Ainsi à partir de 1835, Nauplie retrouve son statut de grande ville de province et perd une grande partie de ses administrations, professions libérales, banques, diplomates, au profit d’Athènes et retrouve comme activité principale le commerce portuaire.
L’ironie de l’histoire voudra qu’en 1862, c’est de Nauplie que partira la nouvelle Révolution Grecque qui conduira à l’exil de celui qui l’avait déchu de son titre de capitale de Grèce. Othon sera alors remplacé par un nouveau roi issu cette fois de la famille royale du Danemark.
Aujourd’hui encore, la ville ancienne de Nauplie n’a que très peu changé depuis l’époque de Kapodistrias et d’Othon. D’où que l’on regarde, les yeux se portent vers les deux citadelles qui dominent la ville ou s’échappent vers le Bourtzis, au large du port. Les ruelles de la ville comptent encore de nombreuses fontaines Ottomanes parfois incorporées à d’anciennes maisons Ottomanes ou servant de sous-bassement a des constructions néoclassiques. La ville compte encore quatre mosquées extérieurement quasi intactes (les minarets ont été systématiquement arasés après la libération de la ville). Celle qui devint la première chambre des députés est aujourd’hui un centre d’exposition et l’ancienne école coranique voisine est occupée par les archives archéologiques. La place principale de la vieille ville est un résumé de l’architecture de la ville : deux anciennes mosquées, un grand bâtiment Vénitien qui arbore fièrement un lion de marbre sculpté, et de splendides immeubles néoclassiques. La rue Kapodistrias conduit à l’église de Saint Spiridon où le leader politique fut assassiné. Le « nouveau quartier » érigé proche de la place Saint Nicolas est entièrement construit en style néoclassique et constitue avec Plaka à Athènes, et Ermoupolis à Syros, un des derniers ensembles homogènes de ce style architectural.
Il est un monument particulier peu connu des visiteurs de Nauplie que les amoureux de la Grèce se doivent de découvrir. En suivant les traces de Kapodistrias jusqu’à la porte de l’église Saint Spiridon où il fut assassiné et en la dépassant, on parvient sur une charmante placette bordée de maisons néoclassiques et d’une fontaine Ottomane. Une volée d’escaliers vous emmène en longeant l’ancien sérail vers une mosquée transformée en église orthodoxe puis catholique en 1839, suite à la décision d’Othon de l’offrir à la communauté catholique. Elle fut alors choisie comme lieu de mémoire pour les philhellènes Français et Britanniques qui payèrent de leur vie leur soutien à la Révolution Grecque de 1821. Une grande épitaphe en bois reprenant les noms des héros philhellènes et des principales batailles orne une partie du mur de l’ancienne mosquée et une crypte renferme une partie de leurs ossements. Sur l’épitaphe, on retrouve plusieurs noms connus comme notamment Lord Byron, mort à Mesolongi.
Trop souvent délaissée au profit des deux grands sites antiques qui l’entourent, Mycène et Epidaure, Nauplie mérite plus qu’une simple halte sur le chemin du Péloponnèse, c’est en effet l’occasion de se replonger dans la riche histoire du pays grâce à la découverte de son architecture et des personnages clés de la cité.