Aujourd’hui, La Grèce Autrement vous invite à renouer avec quelques faits de l’Antiquité, issus de l’histoire ou de la mythologie Grecque, qui ont donné naissance à cinq expressions usuelles de notre langue. Savez-vous d’où provient l’expression « se retirer sous sa tente » ? Pourquoi parle-t-on d’un « dédale » de couloirs ? de mesures ou de réformes « draconiennes » ? Enfin, pourquoi peut-on qualifier une réponse de « laconique » ou des propos de « sibyllins » ? Découvrez avec nous les origines antiques de ces 5 expressions de la vie courante.
Faire une réponse laconique
La Laconie est une région de Grèce située dans Sud-Est du Péloponnèse. Sa capitale et ville la plus connue est l’antique citée de Sparte. Au sens premier du terme, l’adjectif laconique devrait donc qualifier quelque chose qui provient de cette région à la fois montagneuse et maritime. Cependant, ce qualificatif est généralement utilisé pour désigner une réponse extrêmement concise, à l’exact opposé de propos longs et ampoulés, une réponse qui va droit au but et contient parfois un trait d’humour cassant. Cette culture du propos concis et frappant est tout à fait cohérente avec la culture militaire, minimaliste et particulièrement austère des spartiates antiques. En effet, souvent par opposition aux Athéniens, les Laconiens étaient réputés pour leur austérité, leur culture guerrière et le peu de place laissé aux débats ou déclarations ampoulées. Parmi les laconismes les plus célèbres, citons celui du roi de Sparte, Leonidas, au chef des Perses Xerxès qui lui demandait de rendre les armes et auquel le souverain répondit par un simple : « Viens les prendre ! ». Ou encore, la réponse de Dienekes à une ordonnance affolée qui lui annonce que les archers Perses sont si nombreux que leurs flèches forment un nuage, le chef spartiate répond par un simple : « Tant mieux, nous nous battrons à l’ombre ». Le laconisme le plus court de l’histoire fut celui que les spartiates firent en réponse à la menace d’invasion de Philippe II de Macédoine : « Je vous conseille de vous démettre sans délai car si je conduis mon armée sur votre territoire, alors je détruirai vos fermes, je tuerai votre peuple, je raserai votre cité ». La réponse officielle fut concise et efficace : « Si…»
Tenir des propos sibyllins
L’adjectif « sibylllin » qualifie généralement des propos ou des paroles énigmatiques, incomplets, ou au sens difficilement interprétable. On trouve l’origine de ce terme dans la mythologie Grecque. Sibylle était une pythie, c’est-à-dire une prêtresse du dieu Apollon à qui le célèbre Dieu avait donné le pouvoir de faire des prophéties. Très inquiets de leur avenir et de la colère des Dieux, les Grecs antiques consultaient régulièrement l’oracle et sa messagère, la pythie. Sibylle avait en effet le pouvoir d’annoncer aux mortels le sort que les dieux leur réservaient. Une fois les oracles délivrés, l’ensemble des prophéties étaient consignées dans des livres sibyllins. Le problème résidait dans le fait que les réponses divines qui parvenaient aux hommes au travers de la prêtresse étaient souvent à double ou triple sens, parfois totalement mystérieux, au point qu’on devait faire appel à des analystes et des interprètes qui tentaient de transformer ces propos énigmatiques en prose compréhensible par les hommes.
Se retirer sous sa tente
Achille, le fils de la Néréide Thétis et du simple mortel Pelée, s’en alla combattre les Troyens afin de ramener au roi Ménélas sa célèbre épouse Hélène, enlevée par le Troyen Paris. Dans l’Iliade, la célèbre œuvre du poète Homère, on apprend qu’après neuf ans de siège aux pieds des murailles de Troyes, Agamemnon, Achille, Nestor, Ulysse et leurs alliés sont enlisés dans une sorte de guerre d’usure où les combats sans grandes avancées et les longs moments d’attente se succèdent. Lors des combats précédents, Achille, à la faveur d’une victoire contre les Troyens, capture une jeune prisonnière, Brizeis. Cependant, des luttes intestines font rage. Ainsi Agamemnon, le chef des Grecs Achéens, se voit obligé de délivrer une de ses prisonnières, Chryséis, pour apaiser la colère des dieux et exige qu’Achille lui donne sa jeune prisonnière, Brizeis. Le jeune héros Péléide (fils de Pelée), furieux et se sentant spolié, décide alors de cesser le combat aux côtés des Grecs et se retire alors sous sa tente pour réfléchir, consulter sa mère et, par vengance, demander à celle-ci de demander à Zeus d’arbitrer la guerre en faveur d’une victoire finale d’Hector, Paris et des Troyens. Les Grecs, le fougeux Agamemnon, le rusé Ulysse et le sage Nestor ne vont cesser de vouloir faire changer d’avis le héros Achille, reclus sous sa tente et pourtant le seul à pouvoir leur apporter la victoire.
Mener des réformes draconiennes
L’adjectif « draconien » provient du nom d’un célèbre législateur Athénien du VIIème siècle avant notre ère (né en -650 avant JC à Athènes et mort à Egine en -600 avant JC) qui fut à l’origine de l’édiction d’un règlement très sévère. En effet, en -621 avant JC, Dracon rédige des lois qui, pour que chacun ne puisse les ignorer, sont placardées partout dans la cité sur des panneaux de bois. L’innovation est multiple : les lois sont écrites, ne donnent pas (en principe) lieu à interprétation, sont tracées et diffusées à tous les citoyens de la cité. Dans ce corpus de lois, la notion de meurtre est pour la première fois formalisée et divisée entre homicide volontaire et involontaire. La notion de sévérité apparaît rapidement lorsque les lois édictées par Dracon condamnent à mort toute personne reconnue coupable de vol. Certains ont aussi attribué à Dracon la loi politique visant à instaurer une assemblée de 401 conseillers désignés par tirage au sort, mais même si une réforme de ce type pourrait nous apparaître « draconienne » dans notre référentiel actuel, de nombreux chercheurs concluent aujourd’hui que les lois de Dracon ne portaient que sur les agissements privés et donc principalement sur l’organisation civile de la vie de la cité avec cette réglementation très sévère des crimes et délits.
Se perdre dans un dédale (de ruelles, de pensées…)
Dédale est le nom d’un architecte Athénien connu pour son ingéniosité et la qualité de ses constructions. Il fut banni d’Athènes et rejoignit alors la Crète à l’époque de l’apogée de la civilisation Minoenne. Il y construisit le palais du monarque Minos. Le palais comportait tant de pièces, de couloirs et d’escaliers que tout un chacun ne pouvait y retrouver son chemin. Dans ce palais labyrinthique, on décida d’enfermer le Minotaure, le monstre légendaire du roi Minos à la tête de taureau et au corps d’homme. Chaque année, les populations terrorisées devaient offrir en sacrifice humain des jeunes gens au célèbre monstre de Crète. Tous ceux qui tentèrent de combattre le minotaure se perdirent dans le dédale de couloirs et pièces du palais. Seul le jeune Athénien Thésée en vient à bout, aidé par le fil d’Ariane (fille du roi Minos) qu’il enleva puis abandonna à Naxos lors de son chemin de retour vers Athènes. En représailles au succès de Thésée et à l’enlèvement de sa fille, Minos décide d’emprisonner dans le labyrinthe l’architecte Dédale et son propre fils Icare. Toujours ingénieux, l’architecte a pour idée de fabriquer des ailes avec de la cire et des plumes pour s’échapper en volant. Malgré les conseils avisés de son père, Icare s’approcha trop près du soleil en survolant la mer Egée. La cire fondit et il périt précipité dans les eaux de l’Egée. Dédale, quant à lui, trouva refuge en Sicile.