Nous souhaitons aujourd’hui partager avec vous la vie et l’œuvre d’un des plus grands écrivains Grecs de la fin du 19ème siècle : Alexandre Papadiamantis (Αλέξανδρος Παπαδιαμάντης). Cet homme de lettres, tout autant remarquable pour sa vie que pour la qualité de son œuvre, est considéré comme le fondateur des lettres modernes Grecques. Lire ses livres reste encore aujourd’hui un des meilleurs moyens de pénétrer en profondeur la culture populaire insulaire Grecque et ainsi comprendre la société moderne de la fin du 19ème siècle, qui influence encore à bien des égards le mode de vie actuel de la Grèce.
Alexandre Papadiamantis est né le 4 mars 1851 sur la petite île de Skiathos dans l’archipel des Sporades (Centre-Ouest de la mer Égée). Il est le fils d’Angélique Moraïtidis et d’Emmanuel Adiamantos, un modeste prêtre orthodoxe. Son patronyme est directement dérivé de la profession de son père : Papa-diamantis, du pope (o papas en Grec) Adiamantos.
Angélique Moraïtidis est issue d’une famille importante de Morée (Sud du Péloponnèse, d’où provient le nom Moraïtidis). Il faut néanmoins être conscient que le jeune Alexandros grandit dans un environnement familial plutôt pauvre. A cette époque, la vie d’un modeste pope d’une île comme Skiathos consistait le plus souvent à partir tôt le matin en chevauchant une mule pour aller passer la journée à entretenir une des très nombreuses chapelles de l’île : blanchir à la chaux, nettoyer, réparer, réapprovisionner la chapelle en huile et cierges puis terminer la journée en célébrant une messe à laquelle assistent les quelques paysans ou marins du coin, le plus souvent des femmes.
Au milieu du 19ème siècle, Skiathos fait partie du nouvel état Grec indépendant. En 1830, le traité de Londres a mis fin à 9 ans de guerre révolutionnaire et 400 ans d’occupation Ottomane. L’île a connu avant et pendant la guerre d’indépendance un petit développement naval. Elle reste néanmoins une île rurale et pauvre.
Le petit Alexandre est élevé très simplement avec 5 frères et sœurs dans une maison typiquement villageoise du port principal de Skiathos. La Chora de l’île, fondée en 1830, fait encore figure de ville nouvelle. Les habitants se sentant désormais en sécurité abandonnent l’ancienne place forte située dans les montagnes à 10km de là.
A l’âge de 5 ans, Alexandros est envoyé comme interne au monastère de l’Annonciation puis il rejoint l’école de Skiathos et enfin celle de l’île voisine, Skopelos, où il termine son cycle d’étude à 15 ans avec une mention très bien.
Pendant ses années de jeunesse à Skiathos, il accompagne souvent son père dans ses missions de pope, ce qui le marquera profondément. Il écrira même « Tout jeune, je dessinais des saints ». Plus que les icônes, c’est globalement cette société rurale, empreinte de traditions, de religion mais aussi de superstitions, de patriotisme, et marquée par la souffrance, la faim, les attaques de pirates et la domination Ottomane qui marquera beaucoup Alexandre Papadiamantis et influencera son écriture.
A l’âge de 16 ans, il est envoyé au collège de Chalkis sur l’île d’Eubée mais à peine un an plus tard il se brouille avec un professeur et revient à Skiathos. A l’âge de 17 ans, il commence son premier roman.
Ses parents l’envoient ensuite à Athènes suivre ses études secondaires mais il est régulièrement obligé de les interrompre à cause des difficultés financières de la famille. En 1872, il se rend au Mont Athos où il reste 8 mois avec son ami Nikos Dianelos. Celui-ci reste sur le Mont Athos et devient moine tandis qu’Alexandros quitte la sainte montagne et reprend ses études secondaires à Athènes.
En 1874, il est diplômé et, contrairement aux vœux de son père, ne s’inscrit pas à l’école de théologie mais à celle de philosophie. Il ne parvient cependant pas à être diplômé et, ayant appris seul par passion le français et l’anglais, se tourne pour survivre vers le métier de pigiste traducteur pour les journaux. L’argent qu’il gagne ainsi lui permet tout juste de survivre chichement dans les chambres louées des quartiers pauvres du centre d’Athènes. Il vit beaucoup à crédit et continue à écrire.
Son œuvre prolifique compte plus de 180 romans, nouvelles et essais, qui ne fut jamais publiée de son vivant car la critique littéraire lui reproche le fait d’écrire en ‘katharevoussa’ (le Grec « pur » ou purifié des apports des langues étrangères, doté de mots et d’une grammaire propre) et non en démotique (δημοτική/dimotikí, le Grec courant, populaire). Certains de ses romans sont néanmoins publiés en feuilleton dans les grands quotidiens comme Akropolis ou Efimeris.
Dans son œuvre abondante on peut retrouver des romans historiques : Les immigrés / Η μετανάστις – 1881, Les marchands des Nations / Οι έμποροι των Εθνών-1882 et aussi des romans de mœurs (Le pain du Christ / Το χριστόψωμο -1887, Le fainéant / Η σταχομαζώχτρα-1889). Il se distingue par un style de nouvelles où il décrit avec un réalisme sans fard le quotidien du microcosme insulaire aux vies faites de labeurs, d’us et de coutumes dans l’ombre tutélaire de la religion.
Ses deux œuvres majeures révèlent toute la puissance et la justesse de son écriture :
« Les marchands des nations » (Οι έμποροι των Εθνών-1882) décrit sur fond de passion amoureuse, la vie des pirates et les luttes entre vénitiens et génois pour le contrôle de l’archipel des Cyclades au début du XIIIème siècle.
« La meurtrière« , ou « les petites filles et la mort » (Η Φονισσα- 1903) renvoit directement à la condition de servitude de la femme dans la société insulaire Grecque et présente des réflexions sur la condition féminine encore d’une impressionnante actualité aujourd’hui.
En 1908, il parvient à organiser une intervention remarquable au cercle littéraire Parnassos qui lui apporte enfin un revenu substantiel et lui permet d’améliorer son quotidien Athénien pendant plusieurs mois. Puis il décide de revenir s’installer sur son île natale dans la maison où il a grandi. Là, au cœur de ce qui lui a toujours fourni sa plus grande source d’inspiration, il continue à écrire des nouvelles. Il s’éteint le 3 Janvier 1911 à l’âge de 60 ans.
Il lègue une œuvre remarquable, enfin saluée par la critique nationale et internationale, Constantin Cavafis ou Odysseas Elytis en Grèce, mais aussi Milan Kundera. Milan Kundera le qualifiera ainsi de « plus grand écrivain de prose en Grec moderne ».
Découvrez l’œuvre d’Alexandre Papadiamantis en Français :
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